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Fiche Œuvre

Autoportrait aux lunettes

Autoportrait aux lunettes © Tous droits réservés
Artiste

Francisco de Goya y Lucientes

(1746 - 1828)
L’artiste
Chronologie
vers 1800
Technique
Huile sur toile
Dimensions
H. 0,615 ; L. 0,478 m.
Statut administratif
Legs Pierre Briguiboul, 1894
Numéro d’inventaire
Inv. 894-5-2
Collection
Peinture hispanique
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L’Autoportrait aux lunettes, se place à la charnière du XVIIIe siècle finissant, porteur d’idées nouvelles dans une mouvance européenne auxquelles le peintre prête toute son attention et le début du XIXe siècle. L’artiste a cinquante-trois ans ; il est au faîte de sa gloire en sa qualité, nouvelle en 1799, de premier peintre de la Chambre. Il s’est aussi acquitté la même année de la série gravée des Caprices qui, outre l’incompréhension voire la vindicte, préfigure la quête que poursuivra le maître, parallèlement à l’art plus officiel qui le fait vivre.
À un siècle et demi de distance et à l’instar de son célèbre devancier, Diego Velázquez dans Les Ménines (1656), Goya connaît le privilège suprême d’être autorisé à se représenter auprès de la famille royale dans La Famille de Charles IV (Prado, 1800). Jean-Louis Augé souligne la similitude de la pose de l’artiste dans cette dernière oeuvre avec celle de l’Autoportrait de Castres laquelle devient par là, l’affirmation de cet événement majeur.

Les autoportraits de Francisco de Goya y Lucientes jalonnent sa vie. Mais, s’il en est un qui, en corrélation avec celui de Castres, retient l’attention, c’est celui recensé comme étant le plus ancien authentifié (collection privée, v. 1769 – 1775) et qui fut présenté par BBV durant l’exposition  » Goya en las colecciones españolas  » (1995-96). Quoique une trentaine d’années les séparent, les points de convergence entre les deux peintures sont nombreux. Outre les dimensions très voisines (58 cm x 44 cm contre 61,5 cm x 47,8 cm pour celui du musée Goya), le fond, neutre, est traité de la même manière en camaïeu de bruns ; la hauteur du buste est la même ; la veste est négligemment ouverte ; une cravate blanche entoure le cou massif ; l’oreille est plus suggérée que traitée dans sa réelle anatomie. La chevelure, plus dense dans la première version, est toujours tirée en arrière ; les favoris sont plus fournis et plus longs dans l’Autoportrait de Castres et quelques cheveux blancs sont apparus. Somme toute, chez l’homme mûr, les traits ne se sont guère empâtés après trente années écoulées : les joues sont aussi pleines, les lèvres charnues, le front haut, l’épaisseur du menton toujours présente, le menton fort et volontaire. La lumière, dans le même axe, vient traduire la carnation en détachant le visage sur le fond sombre. Seule notable différence, dans l’oeuvre de jeunesse, les yeux semblent très enfoncés alors que dans l’Autoportrait aux lunettes ils semblent beaucoup plus saillants, la pupille dilatée par le jeu du regard scrutateur. Fait notable, Goya affirme son regard sans user d’un éclat blanc dans la prunelle ou l’iris de l’oeil : le regard reste intense sans cet artifice ! A ce titre, il est intéressant de noter qu’inversés l’un par rapport à l’autre, les deux autoportraits se superposent étroitement.

En 1787, Goya écrit à Zapater que sa vue a faibli et qu’il doit porter des lunettes. Son regard, par-dessus les lunettes, trahit la presbytie. Néanmoins, leur port dans cette oeuvre n’est pas superfétatoire : si elles ne lui sont pas utiles pour saisir l’image dans le miroir placé à quelque distance, elles s’avèrent sans doute précieuses pour la restituer sur la toile, placée à distance plus raisonnable. Goya aurait pu se priver de les représenter par coquetterie. Il n’en est rien : il pose sur lui-même un regard lucide, dénué de complaisance, sur ce qu’il est exactement dans l’instant représenté. L’axe médian vertical traversant l’oeil gauche de l’artiste vient conforter cette sensation d’extrême acuité.
Le vêtement, de soie ou de velours vert, est traité en glacis polychromes qui en restituent les moirures ce qui renforce le visage traité en pâte orangée. L’épaulement, plus suggéré que dessiné, est fait d’un cerne noir. Des éclats de blanc sur les boutons et le devant de la veste ajoutent à la densité de la composition par le jeu de la lumière. D’apparence  » anarchiques  » dans leur pose très empâtée, quand on les considère à peu de distance, ces glacis révèlent à la fois leur pertinence quand on s’éloigne de l’oeuvre et la maestria atteinte par Goya pour la fulgurance du rendu avec, comme toujours, une certaine économie de moyens. Il n’est qu’à considérer le traitement, relativement simple, de la veste dans son Autoportrait de jeunesse pour mesurer le chemin parcouru par l’artiste.

Extrait du cat. exp. Madrid / Bilbao, 2002/2003, D. Gasc.

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Musée Goya

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Castres | 81
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